Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
CERCLE DE LA CROIX BLANCHE
26 juin 2008

Le Miracle de Bayonne est-il une Légende ou un événement historique certain ?

Un personnage éminent, à qui nous devons toute déférence, m'a demandé d'apporter toutes mes preuves et de ne pas laisser planer le moindre doute sur le fait de la glorieuse apparition.

Ce n'est précisément pas difficile.

Comment se prouvent, en effet, l'existence et les modalités d'un événement ancien, extérieur, public, visible ? Surtout par des témoignages contemporains. Des témoins oculaires, compétents, désintéressés, sincères, qui ne peuvent ni se tromper, ni nous tromper, voilà ce qu'il nous faut ! Avons-nous de pareils témoins ? Oui, et au-dessus de tout soupçon.

D'abord, les deux chefs de l'armée française, Gaston IV de Foix et le comte de Dunois. Ce sont eux qui annoncent l'événement au roi.

Gaston de Foix est le premier témoin. Nous savons ce qu'il était. On possède deux histoires de ce Prince. L'une, écrite par son serviteur, Gme Leseur, publiée assez tard, l'autre, par un excellent érudit moderne ; et, outre cela, il y a des récits nombreux et instructifs, qui nous représentent ce Prince magnifique, comme un homme de haute moralité, de valeur guerrière incontestable ; brave, honnête et grand seigneur, à qui l'on donnait les deux titres de chevaleureux et de droicturier. N'offre-t-il pas toutes garanties sérieuses d'un témoin recevable ? Comment aurait-il pu se tromper et pourquoi aurait-il voulu nous tromper ? Poser la question, c'est la résoudre.

Quant à Dunois, il faut lire sa déposition sur Jeanne d'Arc au Procès de réhabilitation pour comprendre la moralité, l'honneur et la loyauté de ce grand chef, qui ne pouvait que dire la vérité au roi de France.

Y a-t-il mieux que de pareils témoins ? C'est que nous avons aussi la lettre, envoyée le 25 août par le roi lui-même à toutes les villes de France, pour leur ordonner des prières et des fêtes en l'honneur des événements de Bayonne dont il leur adresse la relation. Nous avons encore les lettres envoyées en cette occasion à Mâcon, à Pamiers   et à Marmoutiers. Il s'ensuit que la France entière a connu et vénéré aussitôt le Miracle de Bayonne et que l'opinion publique française dut placer très haut le prestige de cette ville, où pareille manifestation divine s'était accomplie.

Le document est assez important pour mériter d'être offert à la pieuse curiosité de nos lecteurs :

Lettre du roi
S'ensuit la copie des lettres que le Roy a escript ez bonnes villes de son Royaulme:
Nostres amés et féaul et chiers et bien amez comme avez assés peu savoir pour ce que ceulx de nostre ville et cité de Baionne ne voulurent estre comprins ou traictié et appoinctement qui avoit esté fait sur le fait de la redduction en nostre obéissance de noz ville et cité de Bordeaulx et autre païs du Bordelois et de Guienne, lors occupez pas nos ennemiz les Anglois, nous envoyasmes partie de nostre armée, ensamble nostre artillerie, pour mettre le siège devant nostre d. ville de Bayonne, et est advenu, que, après que le siège a esté devant par aucuns jours, les evesque, bourgeois et habitans de lad. ville et cité de Bayonne sont venuz devers beaulx cosins de Foyz et de Dunois, nos lieutenans tenans led. siège de par nous, et ont rendu lad. ville et cité en nostre obéissance moyennant certain traictié et appoinctement, qui a esté hière fait, par lequel entre autre chose, don Jehan de Beaulmont, chevalier, capitaine du parti des gens de guerre, qui estoient en lad. ville, demeure nostre prisonnier et les dictes gens à nostre volonté, ceulx d'icelle ville à nostre mercy, et aucun petit nombre d'Anglois qui il estoient, a esté par nosd. octroyé, à la requeste desd. habitans de Baionne, qu'ils s'en aillent leurs vies saulvés et leurs biens demourez à nostre disposition, ainsi que ces choses et plusieurs autres bien honnorables sont plus à plain contenues audict tractié et appoinctement. Et avec ce, nous ont iceulx nos cosins escriptez certainnez lettres closes, touchants ces matières et autres, signées de leurs mains, DESQUELLES VOUS ENVOYONS LE DOUBLE. Lesquelles choses vous signifions, tant pour ce que bien savons que, à oïr en bien de noz nouvelles, serés joyeulx, comme aussi afin que facez faire procession, et autrement rendrés prières et louenges à Nostre Seigneur, ainsi que on a coustume faire en pareil cas, quand Nostre Seigneur fait de telles et si grandes grâces à nous et à nostre royaulme. Donné à Taillesbourg le XXVe jour d'aoust. Ainsi signé, CHARLES.
A nostres amés et féauls conseillers et chevalliers et bien amés, les evesque, gens d'Eglise, bourgeois et habitants de la ville de Mascon.
(Fragment d'une Chronique du XV° siècle, ms. fr. 6487, f. I - Une attestation de Dunois, est au F. Franç. 9669 et dans les Annotations sur les Oeuvres de M Alain Chartier par Du Chesne, p. 848 - Traité de la reddition de Bayonne dans Escouchy, t. 2, p. 362, récit du miracle, Ibid p. 366. ).

Le roi envoya donc en France la lettre des grands chefs de Bayonne, et cela nous suffit bien.

Faut-il aussi rappeler la Médaille de Bayonne, frappée à la Monnaie de Paris par ordre de Charles VII et dont il existe encore une dizaine d'exemplaires de types divers ?

Le nom de Bayonne ne s'y trouve pas ; mais la date de 1451 y est bien ; on en continua la frappe jusqu'en 1460 et, au dire de certains historiens, l'une d'entre elles est la plus belle des médailles d'or frappées par la Monarchie française. Une autre médaille semble commémorer le Miracle même, car, d'un côté, nous lisons ces paroles Hora nona, Dominus Jesus Christus expiravit, qui se terminent par l'invocation : Adoramus te, Christe « O Christ, nous vous adorons ! » tandis qu'on lit au revers « O roi Charles, à toi la paix, la gloire et la louange ! Le royaume de France, tombé si bas, tu l'as réformé, après avoir vaincu l'ennemi par ta valeur, grâce au conseil du Christ et avec le secours de sa loi ! ».

Nous devons d'ailleurs, en ces matières, faire confiance aux spécialistes ; et précisément les deux plus grands historiens de Charles VII, à notre époque, Vallet et Viriville et Du Fresne de Beaucourt ont, sans ambages, parlé de la médaille du Miracle de Bayonne avec un sentiment de vérité qui nous étonne presque. Surtout de la part de Vallet de Viriville. Il admire certes Jeanne d'Arc, mais il n'en fait pas une sainte. Le P. Ayrolles le lui reproche, trop vivement peut-être.

Or, ce même personnage, en face de l'apparition de la Croix à Bayonne, lui donne sans hésiter le nom de «Miracle ». Il ne craint pas de dire « Le Miracle de Bayonne produisit une vive sensation » et il consacre une brochure de plus de 50 pages à étudier les divers types des médailles, de 1451-1460.

Du Fresne de Beaucourt a employé aussi le mot de « miracle » pour caractériser le prodige de Bayonne ; et c'est lui qui a publié presque tous les documents originaux, qui en assurent l'authenticité. Sans lui, nous connaîtrions bien le fait, mais nous n'en aurions peut-être pas les preuves.

Car tous les historiens anciens relatent le prodige.

Ce furent d'abord le héraut royal de la guerre, Berry, et Jean Chartier et Jacques Duclercq et Mathieu d'Escouchy et La Perrière et Guillaume Leseur et Ch. Basin ; plus tard, S. Dupleix, Mézeray, le P. Daniel, le P. de Bussières ; et tous les auteurs bayonnais Veillet, Baylacq, Mazein, Balasque.

Tous, tous, en faveur du Miracle ? Non, il y a un réfractaire, un négateur, qui mentionne le fait, comme un simple phénomène météorologique. Il s'appelait Gérard du Haillan, l'historiographe de Charles IX et d'Henri III, qu'on pourrait nommer le Voltaire de l'histoire de Jeanne d'Arc, car il insulta et injuria la Pucelle comme le sire de Ferney ; Gérard du Haillan (1536-1610) que Scipion Dupleix prend à partie en lui reprochant d'agir en Anglais et non en Français, de ne pas croire en la puissance de Dieu et à la possibilité du miracle : un libre-penseur du XVIe siècle !...

Mais cette exception n'augmente-t-elle pas notre confiance, notre croyance ? Pour nous, nous ne pensons pas qu'il y ait de fait historique, mieux établi et prouvé que le Miracle de Bayonne.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité